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    La Porte bleue

    Ce tableau lyrique, enthousiasmant, passionnant, "La Porte bleue" de Gil, est à la fois la continuation et l'antithèse du célèbre tableau de Matisse "Porte-fenêtre à Collioure". Le tableau de Matisse est "incroyablement carré", celui-ci est "incroyablement plein de formes". Celui de Matisse reste dans une palette froide, celui-ci est un échange vertigineux de dégradés bouillonnants, à la fois vermillon et bleu de Prusse. Mais dans un cas comme dans l'autre, la structure du tableau et l'idée est la même : l'artiste nous donne à voir une mystérieuse ouverture sur "l'autre Monde"... Car, chez Matisse comme chez Gil, l'emploi du noir, qui est très rare chez l'un comme chez l'autre, prend ici un sens profond, nécessaire au thème de la porte.

    Chez Gil, un "éclair magique" en avant-plan, digne d'un conte des Mille et Une Nuits, est le pendant des ténèbres du fond, vers lesquelles la petite porte bleue doit mener. Comme chez Matisse, cette porte, c'est le passage du Concret à l'Abstrait, c'est-a-dire de la Vie à la Mort. Le tableau de Matisse est un trou noir, celui de Gil un "trou blanc", c'est-à-dire un "trou de toutes les couleurs ajoutées".

    Que dire de plus ?

    Ce tableau est purement spirituel.

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  • L'Erosion

    Après "La Fissure", tableau si poignant mi-abstrait mi-figuratif, Gil nous revient avec "L'Erosion", qui constitue un aboutissement de sa démarche durant les deux à trois dernières années. Ici aussi, le tableau est  "à la fois" abstrait et figuratif - ce qui est déjà une gageure en soi, mais le défi technique sur la matière et le dessin est encore plus audacieux. A une opposition chromatique (entre le bleu de Prusse et le carmin dans "La Fissure") se substitue une opposition espace/matière. En effet, le tableau rend visible l'écoulement du temps - l'érosion de la matière terrestre - grâce à une technique éblouissante, presqu'hyperréaliste, du grand-angle fuyant. Dans le cerveau - et dans le cœur - du "spectateur" de ce tableau, tout se passe comme si le Temps était représenté par l'Espace, et inversement.

    Comme si la matière dégradée par le Temps nous donnait à voir ce Temps même, par les lignes fuyantes de la perspective. De fait, un "vertige spatio-temporel"  s'empare du spectateur. L'érosion est représentée comme si le Temps était relie à l'Espace et l'Espace relie au Temps. Cette conception spatio-temporelle a d'ailleurs été vérifiée par la Théorie de la Relativité d'Albert Einstein : la matière peut se transformer en énergie, l'Espace peut influer sur Temps, l'un et l'autre communiquent de "façon élastique". Mais c'est aussi le même principe auquel touche Marcel Proust à la dernière page de "La Recherche du Temps perdu", le même vertige existentiel qui s'empare de l'Homme quand il se retourne sur sa vie, comme on contemple une plage de Cabourg - ou "Bolbec" :  " comme si les hommes étaient juchés sur de vivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marche difficile et périlleuse, et d'où tout d'un coup ils tombent.  (...)  Si du moins il m'était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l'idée s'imposait à moi avec tant de force aujourd'hui, et j'y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l'espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu'ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes – entre lesquelles tant de jours sont venus se placer – dans le Temps."

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