• Ce tryptique réussit un tour de force :

    Allier la symbolique des tryptiques chrétiens représentant la Trinité- tradition de l'icone sacré, à un traitement beaucoup plus iconoclaste et contemporain - vision libre et animiste de la figure féminine.

    On se souvient immédiatement du chef-d’œuvre de Gauguin "D'où venons-nous ?

    Que sommes-nous ? Où allons-nous ?", qui est aussi à la limite du tryptique et de la fresque animiste.

    Dans son "pseudo-tryptique" aussi,  Gil a créé des "ponts" subtils pour relier les trois tableaux (notamment au niveau des branches), tout en dissociant trois motifs humains distincts au milieu des méandres végétaux.

    Mais ces trois motifs humains ne sont pas une allégorie tripartite de l'évolution de l'Humanité, tragique, telle que l'avait conçue Gauguin - il avait décidé de se suicider après l'achèvement du tableau...

    Non, les trois figures humaines sont une sorte de célébration heureuse et sereine du mystère féminin.

    On est plus proche, pour ce qui est de l'attitude du peintre vis à vis de son sujet, des cathédrales de Rouen à différentes heures de la journée par Monet.

    La pate, encore légère à droite, s'alourdit progressivement vers la gauche.

    La Déesse apparait au détour d'un bosquet matinal à droite, se retourne vers nous un instant, au zénith, puis disparait dans les brumes vespérales.

    Elle est l'impermanence et l'Eternité à la fois, car cette femme est tellement fondue dans le feuillage automnal, qu'elle nous donne à voir un temps cyclique, celui de la ronde éternelle des journées et des saisons.

    Nous pouvons dire que ce tryptique a une dimension cyclique, donc éternelle, un peu comme les salles ovales des Nymphéas de Monet à l'Orangerie. On se love dans ce tableau comme dans les bras de la Nature-faite-Femme.

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  • Au premier abord,  ce tableau d'un érable rouge est rutilant, éblouissant de vie, peint "à la Pollock " (technique proche de l'action painting ?)  dans un état de "transe animiste", de spiritualité païenne.

    On aurait tendance à penser que Gil a continué là sa série passionnée de "l'Arbre de Vie sous tous ses aspects" (un peu comme les arbres de Matisse à la fin de sa vie)...

    Et puis, quelques heures après avoir découvert ce tableau, on se surprend à rêver à "l'arbre calme" qui figure à gauche du tableau. On ressent plus de sympathie pour lui, c'est comme de la  nostalgie, une infinie tendresse, comme une proximité d'âme teintée de compassion bouddhique.

    En fait, on comprend que le "chef-d’œuvre inconnu" de ce tableau, c'est peut-être cette présence effacée, modeste, souple, qui prend sans doute toute sa valeur grâce aussi à l'exubérance de l'érable rouge.

    C'est ainsi, le bonheur est de ce coté là : ETRE, et ne "presque rien faire".

    Observer et suivre le sens de la Vie, instinctivement, dans une paresse végétale si naturelle.

    Cette arbre vert, c'est le seul bonheur réel, car cet arbre, lui, ne fait qu'un avec la forêt : il n'a pas peur du vide ni de la mort (contrairement à l'érable incandescent).

    Et on se dit : comme j'aimerais avoir la force de "ne presque rien faire", de rester planté là comme cet arbre vert à coté de l'arbre rouge !

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  • Ce "paysage" est une "mise en abime chromatique", en même temps qu'une "mise en abime humaine".

    Le trajet artistique et culturel qui mène à ce tableau est vertigineux.

    Au départ, il y a le "mythe Monet", celui des nymphéas de Giverny, jardin "à la japonaise" recréé par Monet en Normandie.

    Les nymphéas (fleurs de lotus), les ponts en laque rouge sur les étangs, tout dans ce jardin impressionniste reconstitue le Japon, mais sous une lumière qui reste normande, pale et opale...

    Gil Campanella, bien-sur, connait ce mythe en profondeur. Ce mythe l'habite même tout particulièrement. En effet, elle vit en Normandie depuis des dizaines d'années, et un de ses fils, lui, vit au Japon depuis plus de vingt ans. Alors, pour rendre visite à son fils, elle se rend au Japon en plein été, et tombe sur un paysage très semblable à celui du jardin de Monet : au Parc Garyu, ville de Suzaka, dans le département de Nagano (Japon Centre-Nord).

    Tout est la, les lotus, les iris, le pont en laque rouge... Mais surtout, la lumière est une "véritable lumière japonaise", infiniment plus violente, pleine de contrastes enivrants.

    La lumière des estampes japonaises - que les impressionnistes français admiraient tant, est enfin là ! Il était impossible de la reconstituer sous le ciel normand (le Japon central de Honshu se situe à hauteur du Sud de l'Espagne). Cette lumière que Van Gogh rêvait de découvrir au Japon même, et qu'il approcha à Arles. Ce rayonnement bleu de Prusse des ciels et des vagues ou ce vert mi-tropical mi-méditerranéen de la végétation luxuriante chez Hokusai, ce rouge tragique des bouches maquillées chez Hiroshige.

    La technique impressionniste poussée à son extrême (dernière période pré-abstraite de Monet et expressionnisme de Van Gogh) peut enfin se marier à la lumière si particulière de l'été au Pays du Soleil Levant.

    La technique occidentale et la sensualité chromatique japonaise se sont enfin retrouvées.

     

    "Elle est retrouvée !

    Quoi ?... L'Eternité

    C'est la mer mêlée

    Avec le soleil"

    Rimbaud.

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  • Les sakura de l'étang de Shinobazu, dans le quartier d’Ueno, à Tokyo, sont les plus célèbres de la ville, avec ceux du cimetière du sanctuaire de Yasukuni.

    Dans le cas d’Ueno, les cerisiers fleurissent au cœur du quartier populaire de Tokyo. Dans l'autre, il s'agit du quartier de l'élite politique et militaire.

    Dans un cas, les cerisiers fleurissent, puis s'éparpillent sur les employés grisés par le saké, sur les bébés en poussettes, sur les clochards...Mais dans l'autre cas, ils recouvrent de leurs pétales les tombes silencieuses des samurais, des guerriers (dont certains criminels de guerre de la Seconde Guerre Mondiale...).

    Ce tableau représente donc les fleurs de cerisiers du Peuple japonais, qui continue malgré tout à se tourner vers la Vie. Non pas les fleurs de la part sombre, nationaliste et mortifère du Japon. Les sakura de l'étang d’Ueno sont, eux, une pure explosion lumineuse. En particulier sur cette langue de terre qui traverse l'étang de Shinobazu.

    "Shinobazu" veut dire "qui ne se languit pas".

    Ainsi, les sakura, ici, ne se languissent pas. Ils fleurissent une semaine, ils explosent littéralement pendant deux ou trois jours, puis lâchent tous leurs pétales au gré d'une rafale de vent, à un moment précis que l'on a parfois la chance d'apercevoir. Cette effusion de larmes joyeuse et tragique à la fois, ce cri du cygne de cent arbres centenaires, tout ceci est décuplé un instant à la surface de l'étang.

    ...

    Bien-sur, il ya aussi un saule pleureur au bout du chemin, avec ses bourgeons vert-tendre. Oui, mais lui, c'est un "arbre normal". Les sakura, eux, sont des arbres exceptionnels, et aussi les plus courants de l'Archipel. Car ce sont les seuls arbres qui nous montrent, ou plutôt qui nous font croire un instant qu'il est possible de vivre avec pureté puis de partir "sans en rajouter", "avec des larmes et un sourire".

    Ici, le chaos bascule du coté de la Vie, miraculeusement.

     

     

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  • Le cheminement des ocres sur les murs a des reflets de visage tanné par les années. Ici, le "visage de la rue" est tanné par les siècles d'Histoire Romaine. L'ocre, avec toutes ses nuances, c’est la couleur primaire, celle des grottes préhistoriques, celle des bas-reliefs gothiques et des premières icones de la Renaissance. De Lascaux à Sienne, en passant par Xian en Chine, par les Dogon du Mali ou les aborigènes d'Australie, l'ocre, c'est la Terre nourricière devenue couleur. C'est le pigment naturel le plus ancien, le plus profond, le plus riche de sensations primitives. Ainsi, cette "Rue de Rome" figure en quelque sorte de l'Histoire (et la préhistoire) de l'Humanité, qui décline peu à peu l'Histoire en mille pigments, en partant de l'ocre jaune jusqu'au brun, au rouge Brésil, jusqu'au vert Taïga et au bleu de Prusse. Cette rue, c'est un peu le visage de l'Humanité, harmonie rêvée de toutes les couleurs de peaux et de terres, sorte de portrait déstructuré au centre duquel trône la touche divine de l'ocre jaune !

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  • Au Japon et en Chine, on dit que les ermites se nourrissent de la brume.

    Ce bonze semble se nourrir d'une matière plus inconsistante encore : du vent, de l'air, du temps qui passe (le contraste entre la matière rouge et la "non-matière blanchâtre" est saisissant).

    Et pourtant, il garde un regard de bienveillance, de compassion (la vertu du "jiai" dans le bouddhisme japonais).

    Comme s’il était à la fois dans un monde dématérialisé, et toujours dans ce monde matériel pour nous guider par son exemple. Il est là, debout, et cela suffit pour nous guider.

    Il est ce que la tradition nomme un "boddhisattva" : c'est-à-dire un être ayant atteint l'Illumination, qui pourrait donc partir, se libérer du cycle des réincarnations, mais qui décide de rester parmi nous pour nous guider.

    Etre debout dans le vent et faire un avec ce vent. Voici le don de ce bonze à notre bas monde.

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  • La puissance de ce regard touareg, c'est la puissance de la liberté.

    Le chèche bleu, la profondeur de l'indigo indique l'appartenance ethnique, mais c'est aussi la couleur du ciel, celle de la liberté.

    Ces "hommes bleus" sont des nomades, du nord Mali, du Niger, du Nord Sénégal, du Sud de la Mauritanie, etc.

    Et Deleuze le démontra : les peuples nomades sont non seulement libres de repères géographiques, ils sont de facto libres de toute discrimination sociale, de toute hiérarchie.

    Pour un nomade, tout homme est un homme, ni plus ni moins.

     Et puis, il y a ce visage buriné, travaillé par les ans comme un massif rocheux du Sahara.

    Comme toujours chez Gilda Campanella, les hommes sont peints comme des paysages et la Nature est peinte comme un homme…

    Il est vrai qu'elle connait ces visages Nord-Africains, elle qui a passé les vingt premières années de sa vie en Tunisie.

    Ce visage, c'est le paysage vénérable de la liberté...

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  • La prouesse de ce tableau est d'avoir transmis la petitesse de l'Homme par rapport à la Nature d'une façon extrêmement originale, voire inédite : c'est la matière, et uniquement la matière, qui transmet ce "message spirituel".

    En effet, l'approche chinoise ou japonaise eut été de représenter l'être humain minuscule au sein d'un paysage grandiose. L'approche fauviste ou coloriste eut été une opposition des tons froids et chauds, par exemple.

    Ici, le jeu sur la matérialité du tableau a été poussé à un tel extrême - personnage contre partie sablonneuse et maritime - que l'être humain devient immatériel, sans substance, presque "pitoyable", sans "ancrage existentiel".

    Pourtant, l'échelle est comparable et les tons pastel-fauve sont les mêmes.

    La différence de matière est d'autant plus saisissante : l'Homme (la femme) tremble comme un pétale, quand la Nature ondule dans son éternité.

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  • Mystérieux est cet équilibre si tenu entre la forme et la couleur.

    Matisse l’a toujours compris instinctivement. Lorsque la forme est simple, la couleur peut être complexe, moirée. A contrario, lorsque la couleur est simple, la forme peut se faire complexe.

    Ce tableau est un cas d’école en la matière.

    La simplicité du dessin (deux ou trois coulées de lave molles et lourdes) permet un travail coloriste extrêmement complexe, avec toutes les combinaisons possibles des tons fauves.

    En quelque sorte, cette étude est l’exercice inverse des Nus bleus de Matisse, où la couleur est extrêmement pure mais le dessin extrêmement complexe.

    Aucun raisonnement, aucun calcul dans de telles “expériences spirituelles”, surtout lorsque l’équation forme/couleur touche à de tels extrêmes.

    “La coulée de lave”, comme les “Nus bleus”, c’est la démonstration d’un sens de l’équilibre absolu, intuitif, entre la forme et la couleur, entre le corps et l’âme.

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  • Les drapeaux, ici, ne sont plus les symboles du nationalisme. Au contraire, il sont un jeu de miroirs, une libre célébration des couleurs.

    Quelle gageure de transfigurer ainsi la couleur, dans ce qu'elle a de plus social, en une toute autre vision coloriste : couleur primitive, couleurs de l'enfance, jubilatoires.

    De ce fait, tout ce qui importe n'est plus la taille respective de chaque drapeau, c'est le jeu des couleurs entre elles-mêmes.

    Dans ce tableau de Gilda Campanella, le nationalisme des différents drapeaux est totalement transmué en un animisme de la couleur, qui est aussi un humanisme universaliste.

    Comme Matisse l'a montré toute sa vie : le mélange des couleurs, c'est la la vie. Il n'y a aucune autre règle que le plaisir.

    Ici, Gilda Campanella ajoute : le métissage des Hommes, c'est la vie. Et il n'y a aucune autre règle que l'Amour.

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  • Cette jeune fille, c’est le désespoir, et c’est l’avenir aussi.

     Tout en cachant son sexe avec un bout de sa mini-jupe, elle nous montre son œuvre.

    Œuvre de rue, “Streets art”, comme on dit.

    Art trop violent, trop spontané pour les collectionneurs d’Art.

    Pourtant, tout le monde le sent, tout le monde le sais : l’art n’est plus dans les galeries, il n’a plus besoin de A majuscule.

    Apres le surréalisme, le pop art, l’art est enfin sorti du cercle de “ceux qui savent”.

    Car “ceux qui savent”, souvent, ne ressentent rien, voici ce que cette jeune fille semble nous dire.

    Écoutons-la, regardons-la !

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  • L'Homme est aussi capable, paradoxalement d'exprimer ce qu'il a de plus pur, de plus tendre, dans ce monde de façon épisodique.
    La ouate des fleurs blanches est plus forte que la croute cuivre du tronc; une fois par an seulement (cerisiers du japon).
    Si seulement le monde humain ne ressemblait qu'à la partie supérieure de ce tableau, tous les jours de l'année.
    Mais alors, saurions nous apprécier le blanc sans la présence du cuivre. 

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  • Quel travail impressionnant !

    Toute la folie du XXIème siècle est là...

    Dubaï la nuit. Quand j'y suis allé en plein été, il faisait 40 degrés à   minuit ; toutes les climatisations fonctionnaient, toutes les enseignes brulaient de mille feux, les limousines filaient...

    Et pourtant la mer et les étoiles étaient si pures.

    Dans l'esprit, ce tableau, c'est un peu la version démoniaque de la Baie des Anges de Dufy. C'est aussi la version postmoderne de La Fée Electricité du même peintre.

    Mais la matière est tellement plus lourde que chez Dufy.

    Du début du XXème au début du XXIème siècle, de Nice à Dubaï, l'hybris de l'homme, démultipliée, a passé un cap.

    La débauche d'énergie n'est plus seulement démiurge, elle est proprement démoniaque, comme ce halo de lumière orange qui flotte au dessus des    gratte-ciels...

    Et pourtant, cette folie humaine est fascinante, presque belle ?... Ou nous mène cette route ?

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  • Equilibre et ambivalence à la fois.

    L'utilisation d'une perspective double accompagne l'ambivalence joie/tristesse du visage. Et le traitement des couleurs est aussi libre, foisonnant, fauve, vivant que pour tous tes paysages !

    Le corps sort du fond et le fond soutient le corps.

    On n’est pas dans le portrait cubisme (Picasso, Braque...), ni dans le portrait expressionniste (Francis Bacon, Lucian Freud...), on est "entre les deux", dans une "déstructuration subtile"...

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  • Quatre êtres humains, d'origines, de sexes, d'âges différents sont entrainés dans la même folie cinétique.

    Aucun ne ressemble à l'autre, ni socialement, ni physiquement, mais ils partagent tous les quatre le même "mouvement".

    Ceci crée une "union métaphysique".

    Car un être humain en mouvement est différent d'un être humain immobile.

    Un corps en mouvement a même une masse différente d'un corps inerte, nous dit la Théorie de la Relativité (E=mC 2).

    Le mouvement, c'est moins de matière, c'est plus de légèreté, plus d'énergie, plus de lumière, plus de liberté.

    Cette ode au mouvement est une ode à la liberté.

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