• Composition

     

    Composition

     

    Depuis toujours, le "collorisme rayonnant" de Gil est libre de toutes frontières, qu'elles soient d'ordre géographique ou qu'il s'agisse des frontières entre les genres artistiques. Sa série de tableaux africains fut une réussite à cet égard. Entre autres, on se rappelle des "Percussions africaines", sorte de "tableau musical", ou les motifs de tam-tams sont démultipliés par la technique des ombres portées (technique en usage depuis des dizaines de milliers d'années dans les grottes préhistoriques). Ici, l'évocation d'un trio de musiciens classiques pousse l'échange entre peinture et musique encore plus loin. Le rayonnement vertigineux des deux notes principales de couleur (rayons bleu-roi et vermillon) correspond exactement à la sensation d'un accord entre deux instruments à cordes, tenu en point d'orgue.  La fraicheur d'un violon et la chaleur d'un violoncelle, sur le fond harmonique ocre du piano.

    Mais, ce qui est passionnant, c'est l'incrustation de cette dimension musicale abstraite au sein d'un dessin figuratif représentant des instruments. Comme si le tableau nous offrait une double lecture, abstraite et figurative à la fois, musicale et purement picturale à la fois. Les rayons colores nous donnent à voir les accords, les notes tenues, l'accompagnement. Et d'autre part, les silhouettes rondes des instruments et des musiciens nous donnent à voir la mélodie, c'est-à-dire la partie "la moins abstraite" de la musique. En ceci, on se rappelle, bien sur, la série de guitares peintes par Braque.  Mais la comparaison entre Gil et Braque n'est valable que pour le début du cubisme : à partir de la période dite de "cubisme synthétique", chez Braque, il devenait impossible de discerner toute courbe figurative, comme si la musique classique harmonique s'était transformée en musique contemporaine modale. Gil garde ici une structure harmonique classique, tant et si bien que nous pourrions voir du Mozart ou du Verdi dans ce tableau, mais jamais du John Cage ou du jazz fusion.

    Quoiqu'il en soit, par cette représentation de la musique, Gil s'engage dans une nouvelle voie (sans renier nullement son cheminement passé).

    Il semble même qu'elle se rapproche encore de sa source d'inspiration primordiale, dans une contrée de l'enfance ou musique et couleur n'étaient qu'une seule et même chose.

    En octobre 2013, le pianiste franco-israélien Oro Solomon a enregistré une série d'improvisations au Grand Palais, après avoir installé son piano au milieu de la grande exposition rétrospective consacrée à Braque. Le pianiste a alors déclaré que la première fois qu'il avait pratiqué l'improvisation, à l'âge de 12 ans, il avait placé un tableau sur le porte-partition de son piano, et que cette pratique l'avait fortement marqué depuis lors.   (cf vidéo de l'interview :

    http://www.dailymotion.com/video/x15zgi6_braque-et-la-musique-nuit-blanche-2013-avec-or-solomon_creation?start=24

    et vidéo d'un œuvre enregistrée : 

    https://www.youtube.com/watch?v=DTo29Wq25Qs ) En regardant ce tableau de Gil (Gilda Campanella de son nom de jeune fille) , on imagine que la peintre, d'origine sicilienne de Tunisie, a sans doute appris à dessiner dans son enfance en écoutant sa mère chanter des airs d'opéra et son père l'accompagner à la mandoline ou au violon. D'ailleurs, le prénom "Gilda" n'est-il pas celui de l'héroïne de Rigoletto, archétype de la jeune fille rayonnante, "amoureuse de l'amour" ?

    Partager via Gmail Blogmarks

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :